D'autant que la crête ne fait pas le moine ni l'habit le punk et qu'il y a bien trop à vivre là maintenant. Alors tous à vos ordis, faites péter les décibelles visuelles. Le voyage c'est comme le rock : c'est tout à fond!

Ici Pérou, à vous Paris!!!



N.B. : en cliquant sur la première photo d'un article, la série s'affiche en grand à l'écran.

Con pas con


Première ébauche à Manizales en Colombie, octobre 2011.


Hier soir j’ai pensé. Et bien ri. De moi bien fort. Intérieurement. De ma connerie d’abord, puis d’un sursaut d’intelligence. Con pas con.


Dans une rechute à rebours, de celles qui vous tombent dessus au moment où vous vous y attendez le moins (lorsque justement vous vous croyiez sortis d'affaire), je me vois encore en début de soirée déblatérer mes conneries. A l’eau de rose. A un ami. Avec la verve du passionné au grand cœur d’artichaut. Au grand cœur de grand con, archi-chaud et pourtant sacrément refroidi. Déblatérer mes petits déboires d’un quotidien plus à l’ordre du jour, mais qui pourtant revient de temps en temps tel un fantôme, lézarder les murs de ma conscience et chatouiller les pieds de mon indifférence. Enfoiré.


Deux heures plus tard, je suis en train de lire un article sur le site web du journal Le Monde – n’y voyez pas un signe de culture j’y vais rarement. "Pourquoi les insurgés ont-ils raison?". Titre accrocheur et forcément je me méfie. Con pas con. De gauche qui fait tchou-tchou ou bien ron-ron, comme la gauche burger de type Royal? Cheese! Image, leurre, écran. Total. Ecran Royal même si vous voulez, bien qu’elle fasse un peu tâche à la télé. Bref : réel contenu progressiste ou bien façade ravalée de gauche? Et ne faites pas les marioles à droite : de vous je ne parle pas car de vous n’attends rien. Ou si peu. D’être surpris peut-être. De vous ne parle pas simplement parce que ça m’énerve davantage de voir de la connerie à gauche qu’à droite. Bien que je préfère de loin discuter avec un modéré de droite, cohérent et qui s’assume, qu’avec un mec "de gauche" allergique à toute remise en question, supposé être progressiste quand il vous tient des discours sectaires, souvent haineux envers celui qui pense – ou vote – un peu différemment de lui. Limite "facho" parfois. Révolution mon cul. Pas celle de la pensée, libérée des catégories en tout cas. Mais bref, on voudrait n’avoir que des beaux joueurs dans son équipe et que "l’adversaire" soit indistinctement moche. Pas de bol : idéalisme frustré. Et en toute honnêteté, à y regarder de plus près on voit toujours pire chez soi. Tant mieux : ça permet dans un sursaut d’intelligence qui, comme tous les sursauts, ne dure jamais très longtemps, au mec de gauche de ne pas toujours cracher sur son voisin de droite – et, rêvons un peu, vice-versa. "Voisin-opposant-con", qui ne dit peut-être pas que des conneries d’ailleurs. Con pas con.


Au final, c’est déjà pas si mal : le titre de l’article me fait réfléchir un peu, j’ai pas complètement perdu ma soirée. De là à me coucher moins con ce soir, y’a encore un pas voire un fossé. Mais on y va. Dans le fossé. Je clique donc sur le lien et découvre chez ce mec d’Europe-Ecologie une certaine cohérence entre idées, de gauche, et pratiques, à peu près du même côté. Dans ce petit moment de plaisir politique (c’est tellement rare d’avoir du plaisir dans ce genre de relation), je re-découvre aussi à quel point la situation économique et sociale semble tendue en Europe. Le monde du travail ou plus justement du chômage. La Grèce, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie... et ceux qui suivront. Ou pas. La crise ne serait pas derrière mais devant? On m’aurait menti? Décidément c’que j’peux être con parfois. Toujours est-il que 1929 n’attendra peut-être pas un siècle pour faire des p’tits voire des grands. En lisant l’article j’imagine un instant le pire, qu’on ne peut jamais vraiment s’imaginer quand on n’a pas vécu la guerre ou la famine j’imagine, mais ça suffit pour me sentir non pas profondément con, mais profondément content de faire ce voyage. Maintenant. Pas imaginaire lui. Egoïste satisfait de mon sort, je souffle un bon coup genre relax Max et regarde par la fenêtre : un vieux traine sous la pluie pour tenter de vendre une bricole. Ça sonne mauvaise série B américaine ou télé-novela péruvienne, les violons en fond et la larme à l’œil, mais c'est ainsi : il y avait bien un vieux sous la pluie avec des bricoles. Inévitablement, je pense à ceux qui galèrent. Ah les bons sentiments qui reviennent au galop. Puis à ceux dans le confort que je n’envie pas forcément pour autant. Et là il n’est plus seulement question de l’Europe bien sûr : on voit pire ailleurs. Dans la galère comme dans le confort, d’ailleurs. Pense à cette liberté actuelle que je peux me payer, puisqu’il s’agit toujours de ça - mais pas que, et dans la foulée à mon discours pathétique d’il y a deux heures, à perdre quelques minutes de ce précieux présent à repasser un passé dépassé. Et à casser les oreilles, sinon les pieds voire les couilles d’un ami. Qui en plus travaille comme un fou et prend rarement des vacances. Quelle blague. Quel con.


Au moins l’article m’aura-t-il permis de me trouver pathétique et de rire de moi. Et rire de soi est bien agréable. Au fond plus facile que des autres. Il y a moins de pression, on sait qu’on peut y aller à fond sans risquer l’offense. Lorsqu’on rit de soi, c’est justement que l’offense est déjà faite : on s’est vu con c’est trop tard. Alors on n’a plus rien à perdre c’est déjà perdu – l’illusion d’être un mec "Bien" avec un grand B, comme la coupe de profil du corps de ma voisine. Et c’est justement pour cela qu’on rit de bon cœur, que c’est si bon de rire de soi : on ne freine pas. C’est tout-à-fond. Ça m’a rendu un peu moins con le temps d’un instant, qui tend tout de même à s’éterniser car je ne lis pas très vite. Faut quand même pas déconner.


Bref, con OU pas con est une question résolument conne. Sans fondement ni solution, à moins de considérer le nazisme et le fascisme comme des réponses adéquates. On est toujours les deux. Indissociablement. Toujours con pas con – et non toujours nazi et fasciste, quand même… faut pas déconner. L’intelligence n’existant pas sans la connerie à ses côtés, l’intelligence émergeant elle-même de la connerie quotidienne. Quoique pas trop souvent quand même. Quoique chez certain(e)s parfois on se demande. Parfois. Mais non, il y a toujours un truc. Il y a toujours de la connerie quand je me crois intelligent et des signes d’intelligence – même timides, insignifiants – après avoir été bien con. La solution n’est donc jamais finale : cons OU intelligents. Car dans cette perspective il conviendrait évidemment d’éradiquer les premiers. Les intelligents de l’époque ont d’ailleurs bien essayé de le faire à grands coups de connerie. Même les Shadocks le disent : mieux vaut mobiliser sa connerie sur des intelligences que son intelligence sur des conneries. Alors con? Pas con? Fausses questions – et manifestement dangereuses. Une seule réponse : con-pas-con. Ouf : il n’y a rien à éradiquer. 


Attention : on est les deux en un – con pas con, mais pas à part égale. Loin de là.


Sincèrement, être con est plutôt courant. Ce sont les signes d’intelligence qui sont beaucoup plus rares. Dès lors qu’on accepte cette idée, le monde nous paraît nettement plus beau. Et les gens nettement moins cons, à commencer par soi. Intégrez la connerie comme LA norme, comme une composante fondamentale, une donnée prépondérante, et vous verrez que vos petits déjeuners ressembleront à ceux de l’Ami Ricoré : ensoleillés même sous le crachin normand au fin fond du mois de novembre. Et vos réveils chauds comme la braise, même dans le froid du sexe absent ou pire : mal fait. Ou mal vécu. C’est parce qu’on veut croire que l’Homme est bon, intelligent, doué et qu’il (se) doit (d’)accéder au bonheur, qu’on finit déçu voire désabusé. Changez de point de vue : faites de la connerie – et de notre médiocrité générale – votre pain même votre vin quotidiens, alors le bonheur est dans le pré et l’alcool toujours gai. J’ai trop longtemps voulu croire que je serais un type Bien, une sorte de Robin des Bois, le fils de l’Abbé Pierre qui aurait couché avec Sœur Teresa un soir d’amour parfait. Dès lors que j’ai compris que je ressemblais plus au Joker qu’à Batman dans mes moments d’intelligence, et à Simplet qu’au prince charmant dans Blanche Neige et mes moments de connerie, alors chaque apparition de Robin ou de Joyeux me semble une bénédiction. Prof me gonfle. Alors chaque sursaut d’intelligence m’apparaît comme la venue du p’tit Jésus sur Terre ou mieux, un bon whisky tourbé. Bref, comme un grand moment de joie. Depuis que j’ai accepté "le Mal" et ma connerie, je suis bien plus heureux. 33 ans d’éducation à l’intelligence, de travail sur soi pour tenter d’être bon, vertueux (et surtout moins con!), 33 ans à s’arracher les cheveux pour s’arracher au terrain fertile de la connerie où poussent toutes sortes de pisses-en-lits, à Refuser l’idée de l’imbécile heureux, pour finalement y revenir comme à une bible ou une philosophie. Comme l’unique solution à ce foutu bonheur, devenu le Graal de notre société. Enculé, tu nous pourris la vie ouais!


Alors je suis con OK, même Ducon si vous voulez, du coup je savoure comme jamais chaque vol au-dessus des pâquerettes et même d’un nid d’coucou. Du coup je savoure ou j'essaie je voudrais, chaque attention subtile et sincère, chaque accord gratté avec rage, chaque moment de délicatesse, chaque note tendue par l’émotion, la moindre pensée créative ou pertinente, le moindre geste éthique envers autrui. Comme des joyaux d'la vie. Ça sonne cul-cul cui-cui et un peu con? Bof : je m'accroche à ça, au milieu de mes pâquerettes. Jusqu'au moindre sursaut de bonté, même un peu conne. Comme quoi la connerie n’exclue pas totalement l’intelligence ni la sensibilité, qui sont elles aussi parfois très connes. A leur tour. On les oppose communément dans une vision manichéenne du monde (les bons/les mauvais, les intelligents/les cons, les sensibles/les brutes…), alors qu’elles fonctionnent de paire et sont elles-mêmes réversibles. Con pas con. Et mieux vaut ne pas le nier ni l’occulter, sous peine de voir son idéalisme crever par KO sous les coups de la vie. Qui ont d’ailleurs nettement augmenté ces dernières années, et pas seulement à cause de l’arrivée de l’Euro et des rats de la finance. Alors je fais le roi-des-vous-savez-quoi et des rots en silence. Le beau un peu trop. L’intelligent plus rarement. Et souvent le con donc. Comme une base de données dans mon cerveau mou au disque dur et rayé : con souvent, pas con avec parcimonie. Car il ne faut jamais abuser des bonnes choses c’est bien connu, et encore moins de l’intelligence. On a vu où cela nous a mené durant le 20ème siècle. Grand siècle d’humanisme, de progrès social et scientifique, et tout aussi grand siècle d’atrocités, d’aberrations éthiques. De grandes avancées et autant de retours en arrière. Con pas con.


Et puis ça continue. Les pensées se dispersent et se recroisent. Constamment. Merci Le Monde!!! Avec la voix de Stupeflip : celle du gamin débile.


Renoncer au totalitarisme de l’intelligence et du bonheur supposés, imposés comme ordre moral et érigés en héros. Renoncer à me voir beau. Depuis je me vois nettement moins laid dis donc. Accepter la connerie en moi comme constitutive, pouvoir aussi l’accepter chez les autres, et ainsi voir le monde avec des yeux plus indulgents et aimants. Aimant la connerie et l’intelligence qui en ressort de temps en temps. Aimant ces 2 aimants qui se repoussent et s’attirent pourtant. Et me voilà heureux comme un con. Et encore plus heureux comme un con qui se sait, qui s’est vu, et se reverra très vite. Comme un con pas con le temps d’un instant.


La connerie n’est donc pas l’ennemie, ni l’intelligence l’amie. Je me fourvoyais en combattant la première coûte que coûte. Chez moi d'abord car déjà y’avait du boulot. Et quand j’aurais été intelligent je suppose que je me serais senti le droit d’aller "nettoyer" chez les autres, et par là même serais redevenu con. Je vous le dis : c’est injouable. Le match contre la connerie est un match perdu d’avance. Enfin j’ai renoncé à mon fascisme envers elle et commencé à l’accepter en moi. En acceptant de ne pas la comprendre parfois, parce que je suis quand même un peu con. Jusqu’à faire de la connerie une amie certaine, sans doute la plus fidèle de l’Homme et non pas le chien bien qu’il soit un peu con lui aussi, et je ne parle pas du cheval. Alors tout m’est apparu plus simple, plus léger et surtout plus drôle. Je ne ris pas très fort ni ostensiblement, mais alors quelle poilade intérieure. Plus de contradiction morale qui jaunit le rire sitôt paru ("oui mais c'est con", "oui mais j'ai l'air d’un…" ou "je passe pour un con").


D’autre part, nager dans la connerie à longueur de temps en l’aimant malgré tout, en lui souriant au lieu de serrer les dents, et on se retrouve sensible à la moindre manifestation d’intelligence. Jusqu’à trouver ça louche? Nan j’déconne. Même beaucoup plus sensible et là j’déconne pas. Car en érigeant l’intelligence comme une norme, on ne sait plus l’apprécier. Quand l’intelligence et le Bien deviennent un devoir routinier, un fait accompli, c’est le début d’une connerie toute nouvelle : l’ennui. Et l’ennui est la source de crimes bien plus inhumains que les crimes du con. Con pas con.


Con pas con est donc un tout, non une opposition entre 2 éléments distincts. Surtout n’y voyez aucune mélancolie, intégrer la connerie et voir les choses sous cet angle est au contraire très réjouissant. Car ce tout n’est pas négatif du tout. Il est même très positif. 1+1 (con + pas con) n’est pas égal à 2 qui s’opposent, comme pensent les bien-pensants qui pansent surtout leurs plaies après quelques années de déroutes sous les coups de la réalité. Sur cette route j’ai trop longtemps voyagé. Pas plus qu’1+1 n’est égal à 0 comme les nihilistes, les déprimés et compagnie. Sur celle-là aussi j’ai lézardé. 1+1 est égal à 3. Comme dans le couple. Il y a l’un, l’autre et toujours le tout : la résultante des 2, le produit de leur confrontation.


Un flash. Têtes Raides. J’ai compris – ou cru comprendre – quelques années seulement après avoir eu le disque (Not dead but bien raides), cette phrase aux allures connes et pourtant pas conne du tout : "Allez les enfants, tuez vos parents!". Image-choc fort pertinente, le travail de l’éduqué arrivé à maturité consistant à se défaire de sa propre éducation. Sans la renier (surtout pas, elle est indispensable et sans doute pas si mauvaise que ça le plus souvent), il doit la démanteler. Un peu mieux que les réacteurs nucléaires si possible. Et hop, arrivé à ce point c’est comme si tout à coup tout s’annule. Enfin c’est ce qu’on croit sur le coup, parce que tout un pan de vie et de certitudes s’écroule : on a tué ses parents. On s’est défait de ce qui nous a fait. Alors que c’est le début d’une nouvelle étape et d’une réelle indépendance, de pensée cette fois-ci et non plus seulement matérielle et physique. La résultante de cette confrontation éducation-déséducation n’est donc pas égale à 2 (entités qui s’opposent), et encore moins égale à 0. Au contraire, elle en est la valeur ajoutée, le 3ème élément : 1+1 = 3. Désolé, vu que je suis un peu con je n’en suis pas encore arrivé au 5ème comme Luc Besson. Mais arrivé au 5ème c’est souvent là qu’on se croit intelligent et justement qu’on est le plus con. Inexorablement on y revient. Retour à la case départ. Voyez : c’est insurmontable. Vouloir sortir de la connerie est une voie sans issue. Même avec tous vos super-héros réunis, en alliant toute l’intelligence du monde pour combattre "le con", ce "Mal" que vous vous obstinez à séparer de l'intelligence et à l'y opposer, vous ne saurez surmonter cet obstacle du con-pas-con, et jamais n’accèderez à ce fuckin’ bonheur dont vous nous bassinez tant les oreilles. Il ne reste qu’à changer de point de vue : apprivoiser la connerie à commencer par la sienne, l’aimer comme l’intelligence qui en émerge parfois, et en rire. Pour ouvrir les portes d’une nouvelle et humble félicité. 1+1 = 3.

Con pas con.



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